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À 33 ans, Marie-Amélie Lenaerts est la première femme belge à avoir effectué la Mini-transat. Une grande aventure qui a changé sa vie. Rencontre.

Crédit photo : Anne Beaugé / Ils Aiment La Mer

De la Belgique, Marie-Amélie Lenaerts ne compte plus les heures qu’elle a passé sur l’eau. Celle qui faisait de la compétition en optimist, qui était monitrice de voile les étés, s’est mise à faire de l’habitable quand elle avait 23 ans.

En poste dans la communication, elle travaille notamment pour EcoRes, un bureau d’accompagnement et de conseil en développement durable. Mais son attachement pour la voile ne s’estompe pas, elle est aussi skipper bénévole dans une association dans laquelle elle fait découvrir sa passion aux autres.

À l’aulne de ses 30 ans, Marie-Amélie se trouve par hasard une place dans un zodiac pour aller voir le départ de la mini-transat 2017, avec un photographe. « C’était juste incroyable ce départ, se rappelle-t-elle avec enthousiasme. Je me disais, ils sont fous de traverser l’Atlantique avec des aussi petits bateaux ! »

Puis, elle s’intéresse aux femmes qui prennent le départ de cette course. « Elles devaient être six ou sept à l’époque. Je me suis rendue compte que j’avais une expérience équivalente ou presque à celles qu’elles avaient, deux ans avant de se lancer dans la préparation de la Mini-Transat. C’est là je me suis dit que peut-être que je pourrais le faire ? »

Un déclic émotionnel

C’est après un choc émotionnel dans sa vie privée que ce rêve fou prend vraiment forme dans la tête de Marie-Amélie. « Cela m’a fait un déclic, je me suis dit qu’il fallait profiter de la vie. »

Elle loue alors un Mini pendant deux ans en Bretagne et s’entraîne dès qu’elle le peut. « C’était difficile, j’avais toujours mon boulot en Belgique, je faisais les allers-retours. C’était dur mais c’était compliqué de lâcher mon travail pour assurer du côté financier… » Finalement, Marie-Amélie arrive à aller au bout du projet, à prendre le départ de la Mini-transat en 2019 et elle devient la première femme belge à accomplir cette aventure !

Après cette intense expérience, Marie-Amélie peine à reprendre son job à Bruxelles. « J’ai bossé deux mois et j’ai posé ma démission, juste avant le premier confinement. J’avais la tête ailleurs… » L’esprit de Marie-Amélie se tourne encore une fois vers la mer.

Dans l’équipe de Jonas Gerckens pour les JO 2024

Elle a intégré l’équipe du Liégeois Jonas Gerckens qui veut qualifier la Belgique pour les Jeux olympiques 2024. La course au large sera l’une des nouvelles disciplines et elle se fera en double mixte. « Je suis partenaire entraînement et je m’occupe de la gestion du projet avec eux. »

En parallèle, Marie-Amélie anime des chroniques radio dans l’émission belge Soir Première sur le Vendée globe 2020, afin de faire découvrir la course au large au plus grand nombre.

Si la Belge s’est engagée dans la course au large, c’est parce qu’elle a été inspirée par des femmes, « et non des hommes », admet-elle. Ce sont ces marin(e)s qui l’ont convaincu que c’était possible. « Comme tu ne vois que des hommes dans la course au large, c’est inconscient, mais tu te dis que ce n’est pas pour toi. De toute façon, c’est ça le plus gros travail du féminisme : déconstruire tous les mécanismes et toutes les croyances dans lesquelles on a grandi. »

« Un milieu assez masculin où on ne montre pas trop sa vulnérabilité »

Marie-Amélie Lenaerts aimerait pouvoir aborder la course au large avec les valeurs des femmes. « C’est un milieu assez masculin, très compétitif. On ne montre pas trop sa vulnérabilité, ses émotions… Pour performer, tu dois agir un peu comme un mec, adopter un peu leur comportement… Pourtant , ce n’est pas parce que tu es une femme qui fait du sport intensément que tu dois inconsciemment adopter les codes des hommes. »

Pour féminiser ce monde d’hommes, la skipper est plutôt pour les quotas dans les courses. « Cela fait avancer le débat mais malgré tout, j’espère toujours qu’on me choisira pour mes compétences et non pas parce que je suis une femme… » La Belge a cependant conscience que son sponsor de la Mini-transat la Team BFR Marée Haute l’a choisie, entre autres, parce que qu’elle était une fille, « et c’est vraisemblablement pareil pour les JO aussi, je n’aurais certainement pas intégré cette équipe si ce n’était pas une épreuve mixte ».

Les quotas, « ça peut faire avance le schmilblick »

Mais pour l’heure, cela ne la gêne pas.  « Car finalement, c’est grâce à eux que je n’ai jamais autant navigué, cela m’a et me fait grandir en compétences. »

Dans les équipages, Marie-Amélie Lenaerts déplore aussi que les femmes occupent généralement toujours les  mêmes postes : piano ou numéro un. « On les voit rarement à la barre », lâche-t-elle.

Pour Marie-Amélie Lenaerts, les quotas, ce n’est donc pas la solution idéale, mais « ça fait avancer le schmilblick, cela permet d’offrir plus d’opportunités aux femmes pour qu’elles puissent grandir en compétences et faire leur preuve. »

« Face aux éléments, les hommes et les femmes sont égaux »

Mais la participation à taux égal des femmes dans les grandes compétitions n’est pas une fin en soi. Selon Marie-Amélie, il faut surtout agir sur le système, ses croyances et ses règles.

« La course au large est initialement une affaire d’hommes, pensée par les hommes et pour les hommes. Et certains choix d’origines de cette discipline perdurent toujours. Je serais curieuse de voir à quoi ressemblerait ce sport aujourd’hui s’il avait été initialement pensé par les femmes et pour les femmes. Je pense qu’il faut apprendre à changer de regard et intégrer de nouvelles manières de faire dans ce sport, qui soit un juste équilibre entre toutes les valeurs des pratiquants, hommes et femmes. Et cette décentralisation du regard, elle ne vaut pas seulement dans la course au large ou le sport, elle vaut aussi pour notre société en général. »

Et de conclure : « Il y a quand même une chose qui restera inchangée dans tout ça et qui fait aussi la beauté de notre sport : face aux éléments, les hommes et les femmes sont tous égaux. »


Le conseil à Hélène Clouet

À Hélène Clouet, qui va prendre le départ de la Mini-transat, Marie-Amélie lui conseille de naviguer beaucoup et de participer à un maximum de course de préparation pour se sentir en confiance. Et puis surtout de prendre un max de plaisir durant la préparation parce que ça passe très vite un projet Mini, « c’est tellement fou, dingue et haletant qu’on ne voit pas le temps passer ! »


Manon LOUBET, pour l’association FAMABOR

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