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Ex-sportive de haut niveau en cyclisme, Marie-Françoise Potereau est aujourd’hui vice-présidente de la Fédération française de cyclisme et présidente de Femix’Sports. Celle qui a déjà plusieurs tours de France à son compteur n’a pas sa langue dans sa poche. Nous avons parlé de sport féminin avec elle.


Pouvez-nous présenter l’association Fémix’sports ?

C’est une association créée en 2000 à la suite des premières Assises nationales du sport féminin organisées par Marie-George Buffet, ministre des Sports dans le gouvernement Jospin. Depuis, aux côtés des différents ministres des sports qui se sont succédé, Femix’sports travaille à promouvoir le sport féminin et l’égalité homme/femme.

Par exemple, nous collaborons avec le Centre supérieur de l’audiovisuel (CSA) pour que le sport féminin soit mieux médiatisé. Nous accompagnons les femmes à la prise de responsabilité dans le sport avec la mise en œuvre de formations pour que les femmes osent prendre leur place dans les instances sportives. Aujourd’hui, il n’y a qu’une seule femme à la tête d’une fédération sportive, c’est Nathalie Péchelat, c’est trop peu.

Nous travaillons aussi sur les violences faites aux femmes dans le sport, notamment avec les langues qui sont déliées récemment et nous nous associons aux différentes initiatives de sensibilisation.

Pensez-vous qu’un chemin a été parcouru depuis la naissance de l’association ?

Vous savez, j’ai 62 ans et je suis une ancienne sportive de haut niveau en cyclisme. J’étais entraîneuse en cyclisme alors que le concours pour être cadre dans le cyclisme n’existait pas. Il n’a été ouvert aux femmes qu’en 1992 !

Alors oui, des choses ont changé comme la loi du 4 août 2014 qui impose aux fédérations une évolution vers la parité pour les instances de gouvernances des fédérations avec une représentation de 40% du sexe opposé. Mais nous rencontrons encore des obstacles, notamment dans la prise de responsabilité de femmes au sein des instances dirigeantes. Et pourtant, cela me paraît essentiel pour faire vraiment bouger les choses.

Aujourd’hui, très peu de femmes candidatent et quand elles le font, certaines reçoivent encore des injures. Et pendant les élections des fédérations, ce sont souvent des hommes qui gagnent car ils ont su créer un réseau très tôt. La culture de la mixité est très peu développée dans le monde du sport.

Pourquoi le milieu du sport est-il encore si inégalitaire ?

C’est historique. Au départ, on faisait du sport pour aller à la guerre. Le sport a été construit par les hommes et pensé pour les hommes. Puis, on a commencé à faire faire du sport aux femmes quand elles ont commencé à travailler, à aller l’usine. Le sport féminin était très stigmatisé, il ne fallait pas faire trop de kilomètres, pas prendre trop de poids ni de muscles…

Les choses ont évolué de pair avec le monde politique avec un droit de vote aux femmes accordé tardivement en 1944 en France alors que d’autres pays européens étaient bien plus en avance sur ces questions.

Le positif, c’est qu’aujourd’hui 84 % de femmes ont une pratique sportive…

Oui, quasiment toutes les femmes font du sport aujourd’hui. Mais on ne fidélise pas forcément dans un club et la pratique en compétition, avec une organisation encore très masculine, repousse encore.

On observe un décrochage chez les filles qui pratiquent du sport en compétition après l’adolescence, vers 17/18 ans, un décrochage que l’on voit moins chez les garçons. On remarque également de moins en moins d’inscriptions de filles dans les formations pour faire du sport son métier.

Pourquoi les métiers du sport intéressent peu les filles, selon vous ?

Il y a plusieurs raisons. On ne montre pas les modèles de réussite de femmes dans ces métiers-là, on ne fait pas la promotion de ces métiers-là auprès des filles. À cela s’ajoute que ces métiers vous demandent d’être très souvent à l’extérieur, ce qui peut freiner certaines, notamment quand elles sont mères de famille…

Et il y a encore trop peu de médiatisation. On est passé de 7 à 20 % de sport féminin médiatisé en six ans grâce à nos actions auprès du CSA mais c’est encore trop peu. Moi, quand je faisais du vélo, je n’avais pas envie de m’identifier à un homme. Je n’avais pas non plus envie de porter un short masculin pour courir.

Mais comme j’étais la seule fille au milieu de 50 gars, j’ai épousé leurs codes pour me faire accepter, ce n’est pas normal. La médiatisation des sportives est nécessaire pour susciter des vocations auprès des petites filles mais aussi pour montrer que ça existe. Car ce qui n’est pas vu n’existe pas.

Que pensez-vous de l’instauration de quotas dans les courses ?

On part de tellement loin qu’on n’a pas le choix, il faut des quotas. Avec les quotas, on peut mesurer les choses. Si on veut peser, il faut afficher des chiffres, sinon, on est toujours dans la supposition. C’est comme perdre du poids sans balance, on n’y arrive pas. Moi aussi, j’aimerais qu’un jour on se passe des quotas mais il faut une prise de conscience quelque part.

Mais attention, il faut faire des quotas en bonne intelligence, on ne va pas aller chercher des femmes incompétentes. Aux prochains Jeux olympiques, il y aura de nouvelles épreuves mixtes en voile, notamment en catamaran.

Ce sera extrêmement intéressant car cela ouvre de nouvelles opportunités. Il y a de plus en plus de concurrence chez les hommes, ces nouvelles disciplines mixtes sont donc des nouvelles occasions de décrocher des médailles aux jeux.

Mais toutes les épreuves ne peuvent être mixtes, il y a tout de même une différence physique entre les femmes et les hommes que l’on ne peut nier…

Non, bien sûr, toutes les épreuves ne peuvent être mixtes mais tous les sports ont leur versant féminin, que ce soit les sports de combat ou le football américain !

Les femmes peuvent faire tous les sports, il faut le marteler. Je vous rappelle qu’il n’y a pas encore si longtemps, le saut à la perche était interdit aux femmes car elles allaient avoir une descente d’organes et ne pourraient plus avoir d’enfants…

Je milite pour un traitement égalitaire avec une prise en compte de nos différences. C’est ce que j’appelle l’égalité dans la différence.

Des fédérations sportives sont-elles plus en avance que d’autres sur la question ?

La fédération de hand-ball est exemplaire sur cette problématique. Le conseil d’administration est composé à 50 % de femmes et de nombreuses choses sont faites pour faciliter la pratique féminine.

Par exemple, au championnat d’Europe, il y avait des nounous pour garder les enfants des joueuses, j’ai trouvé ça génial. La fédération de voile, qui est d’ailleurs très ouverte sur ces questions de mixité, avait aussi expérimenté la garderie pour permettre à des femmes de faire des régates.

Mais n’est-ce pas contre-productif ces garderies ? Les hommes sont aussi des pères…

Bien que la vie familiale ait énormément changé avec des pères de plus en plus investis – le congé paternité devrait encore plus améliorer les choses – nous avons encore beaucoup de femmes sportives qui doivent composer avec leur condition de mère et nous devons le prendre en compte pour attirer les pratiquantes.

Je suis mariée, sans enfant, je n’ai donc aucune contrainte. Mais je collabore avec des jeunes femmes qui sont mères dans le cyclisme et je fais très attention à leur organisation parce que franchement, ce n’est pas simple !

Pour moi, les garderies, c’est comme pour les quotas, ce sont des étapes transitoires, on ne peut pas passer du tout au rien comme ça. La société est en train de changer mais on part de très loin.

C’est tout un système éducatif qu’il faut déconstruire, il faut sortir du modèle « Maman est belle, papa et robuste » et proposer des cours d’école où les garçons et les filles jouent à la marelle ET au foot !

Manon LOUBET, pour l’association FAMABOR

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