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Christine Courtois est présidente de la commission en charge du développement de la pratique féminine, au sein de la Fédération française de voile (FFV), depuis 2013. Avec une équipe de dix personnes, elle met en place des actions pour féminiser le milieu.


Quelles sont les actions que vous menez au sein de la FFV pour augmenter la part de femmes dans les licenciés de la fédération ?

Si on avait une recette magique pour attirer les femmes vers la voile, nos prédécesseurs l’auraient déjà mise en œuvre depuis bien longtemps. Moi, je crois que comme toutes les politiques, elle ne se décline pas du sommet vers la base. Pour nous, l’objectif c’est d’être proche du terrain, de partir des expériences et de mettre en avant les bonnes pratiques en créant un maillage.

Par exemple, nous avions remarqué que la Women’s cup, la régate féminine organisée à Pornichet depuis 2011, rencontrait beaucoup de succès et ramenait toujours de nouvelles licenciées. Des femmes ne prenaient leur licence que pour faire cette régate.

Les pratiquantes appréciaient le côté bienveillance et entraide entre les équipages à la Women’s cup. C’était aussi une des seules régates qui proposait de faire naviguer des sportives de haut niveau avec des équipages un peu moins aguerris.

Cette expérience a fait des émules et en 2019, nous avons pu construire un circuit féminin avec trois épreuves : le WLS Trophy (Women leading & sailing). En 2020, le circuit proposait cinq épreuves avec de plus en plus de clubs qui se mobilisent. Malheureusement, à cause de la crise sanitaire, on n’a pas pu tout faire.

C’est une vraie avancée et ces régates sont souvent un tremplin pour que certaines femmes reprennent la navigation, après des études, une maternité ou pendant leur carrière professionnelle.

Quel pourcentage représentent les femmes sur le nombre de licenciées de la FFV ? Ce chiffre a-t-il évolué sur les dix dernières années ?

Les femmes représentent environ 36.23% des licenciés en 2020. Ce chiffre augmente petit à petit, puisqu’il a gagné neuf points en dix ans. Cela reste cependant très disparate en fonction des régions et des ligues.

On observe un réel décrochage des filles à l’arrivée au lycée. Elles semblent souhaiter se mettre plutôt plus à fond dans les études. On ne fait pas assez la promotion du sport études, nous devrions passer à la vitesse supérieure et le valoriser parce qu’un parcours de sportif de haut niveau constitue un véritable atout dans une carrière professionnelle.

J’ai trois filles sportives, qui ont fait du sport à haut niveau et je peux vous le dire, c’est vraiment perçu très positivement par la suite lors d’un recrutement et dans le parcours professionnel!

Que pensez-vous d’imposer des quotas dans les régates pour féminiser les équipages ?

C’est dommage d’en arriver à des choses coercitives mais nous n’avons pas le choix. Donc oui, je suis pour, sur certaines épreuves. En dériveur chez les jeunes, sur les séries double par exemple. Plus ils auront pris l’habitude de la mixité jeune, plus cela se perpétuera par la suite.

Car il est vrai qu’aujourd’hui, pour qu’une fille intègre un équipage de garçons, il faut vraiment qu’elle soit très très compétente ou qu’il y ait un avantage par rapport au poids total sur le bateau. Et lorsqu’une fille est recrutée par un équipage de garçons, c’est rarement pour lui proposer de barrer le bateau…

Cependant, il faut aussi entendre le point de vue des filles qui courent. Car elles tiennent à être reconnues pour leurs compétences et non parce qu’elles sont des filles. Il ne s’agit pas de récompenser une fille qui est avant-dernière par exemple.

Vous avez mis en place une garderie pour les enfants des arbitres et des participantes sur le circuit mondial de match racing, est-ce pour vous une manière de faire avancer les choses ?

Cela avait été très apprécié, c’était un peu à l’image de pays comme la Suède où l’on se déplace en famille sur des événements sportifs. Cela peut, dans tous les cas, concourir à ramener plus de femmes dans la discipline. Mais ce serait bien de mettre en place ce système de garderie, pour les épreuves mixtes et pour les hommes aussi !

Il faut savoir qu’aujourd’hui, des actions de ce type sont nécessaires car il y a encore beaucoup de freins à lever dans le milieu. Quand avec un élu politique, nous avons proposé l’idée de faire courir le Tour de Bretagne à la voile en équipage mixte, il nous a été répondu au niveau des organisateurs que si on imposait la présence des filles dans les équipages, financièrement, on ne pouvait pas prendre le risque de boire le bouillon ! On dit encore trop souvent aussi qu’on ne veut pas prendre de filles dans un équipage pour ne pas avoir de problème avec le mari ou compagnon…

C’est aujourd’hui certainement plus facile de monter son propre projet toute seule pour les courses en solitaire. Mais même sur ces courses en solitaires, comme le Vendée globe par exemple, peu de femmes partent avec des bateaux neufs, faute de budget.

Quels sont vos projets au sein de la commission en charge du développement de la pratique féminine de la FFV ?

Consolider le circuit féminin mais aussi que des femmes prennent des places dans l’arbitrage, les clubs, les conseils d’administration (CA), les ligues… On voit bien qu’une femme qui dirige un club ou qui est présente dans un CA fait plus attention à la pratique féminine. Nous allons donc promouvoir les actions de formation pour diriger un club, arbitrer, faire partie d’un CA et multiplier les systèmes de marrainage, qui marchent déjà très bien.

Aujourd’hui, un homme s’engage dans un club car il a un copain dans le CA et il se lance sans trop se poser de questions. La femme, elle, va se renseigner sur le poste, savoir en quoi ça consiste, se demander si elle a les compétences. Il faut savoir aussi que les hommes ne sont pas toujours prêts à céder leur place.

Au sein de la FFV, c’est le premier mandat où il y a une parité et je pense que ce sera désormais toujours comme ça, on ne pourra pas revenir en arrière. Quand cela avait été annoncé, il y a trois ans, il y avait eu des commentaires du type : « Si c’est pour mettre des femmes pour mettre des femmes, cela n’a aucun sens ». Mais il faut reconnaître que la commission est de plus en plus reconnue sur le terrain, que nous sommes de plus en plus sollicités. Je remercie d’ailleurs les trois hommes qui font partie de notre commission, ils ont du courage car certains se sont moqués d’eux quand ils nous ont rejoint.

Les clubs doivent aussi faire des efforts pour accueillir les filles avec des vestiaires dignes de ce nom, où on peut se changer à l’abri des regards et laisser ses affaires dans un lieu sécurisé. Des clubs proposent notamment des créneaux qui démarrent un quart d’heure après celui des enfants et finissent un quart d’heure avant eux ou encore des créneaux de 12h à 14h qui peuvent attirer des femmes actives… Ce sont des bonnes initiatives.

Il faut également former les moniteurs et les entraîneurs à briefer les filles, qui ont souvent besoin, plus que les garçons, d’analyser les faits et de les comprendre, qu’elles soient en situation d’échec ou de réussite. Mais notre but est bien sûr d’arriver à une mixité car notre sport le permet.

Nous ne pouvons cependant pas nier une différence de force physique…

Même hyper entraînée, une fille n’aura pas forcément la même force physique qu’un garçon et elles le savent très bien. Mais dans la voile, il y aussi beaucoup de tactique, de réflexion, de témérité et cela fait que les filles peuvent tout à fait courir avec les garçons.

D’ailleurs, bien souvent dans les équipages mixtes, tout le monde trouve intéressant la complémentarité homme/femme. Et puis, on a déjà vu une fille gagner une course au large ou une épreuve de dériveur contre des garçons…

En voile, les conditions ne sont pas toujours les mêmes, que ce soit dans le petit temps ou dans le gros temps, chacun peut tirer son épingle du jeu.

Les Jeux olympiques s’apprêtent à accueillir une nouvelle épreuve mixte : la course au large, un  bon signe selon vous ?

Ce n’est pas encore totalement validé mais ce serait une grande révolution, notamment pour les pôles et les centres d’entraînements. Ce serait aussi une belle reconnaissance pour le travail effectué par les filles ces dernières années. J’espère que ce sera adopté.

Manon LOUBET, pour l’association FAMABOR

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