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Amélie Grassi n’a que 26 ans mais elle a déjà un beau CV dans le monde de la course au large. Et pourtant, même si elle a été plongée dans la marmite quand elle était petite, elle a failli prendre d’autres directions.

Crédit photo : Christophe Breschi

Amélie Grassi a grandi à La Rochelle, près de la mer, avec des parents passionnés de voile et de régates. Sa mère, Sandrine Bertho, a pris le départ de la Mini-transat en 2009, quand son père Olivier Grassi, a participé à la Route du rhum 2010 ou encore à la Transat Jacques Vabre 2007. Rien que ça.

La jeune Amélie suit leurs traces dès le plus jeune âge, d’abord en optimist, puis elle découvre la régate à l’adolescence, avant d’intégrer un lycée en sport étude voile à La Baule (Loire-Atlantique). Puis, Amélie fait un « break » après le baccalauréat pour ses études.

Entre thèse et Mini-transat, mon cœur balance

Elle réussit avec passion un master 2 en droit social entre Nantes et Paris. « J’ai hésité à me lancer dans une thèse. Vraiment ces études m’ont passionnée », assure-t-elle. Mais l’appel du large est plus fort que tout et Amélie choisit de préparer la Mini-transat 2019 plutôt que de se lancer dans une étude au long cours. « Je la ferai peut-être plus tard cette thèse mais je me suis dit que la Mini, c’était maintenant ou jamais ! À 25 ans, c’est la légèreté de la vie, on n’a pas besoin de tout plaquer pour se lancer dans un tel projet. »

Pleine de fougue, Amélie finit ses études en 2017 et se lance corps et âme dans son projet de Mini-transat. Elle achète un bateau et s’inscrit au pôle d’entraînement de Lorient. Elle croise sur sa route un certain Loïck Peyron. « En fait, j’ai su qu’il cherchait un jeune pour faire la saison de Figaro avec lui, j’ai pris mon courage à deux mains et je l’ai appelé. »

Une saison avec Loïck Peyron

À sa grande surprise, le célèbre navigateur l’a prise directement sous son aile. « J’ai fait la saison de Figaro en double avec lui en 2019, en plus du circuit Mini !» Avec son bateau récent et son entraînement intensif, Amélie visait une très bonne place pour la Mini-transat 2019.

« J’ai fait 5e à la première étape jusqu’aux Canaries, j’étais toute contente. Et puis, à la deuxième étape, je suis partie à fond les ballons sous spi et au bout d’une heure, une pièce maîtresse qui tient le bout dehors a explosé ! J’ai dû faire demi-tour… »

C’était le drame pour la jeune femme qui avait investi deux ans de sa vie dans ce projet. « Je n’avais jamais été aussi triste. Et j’ai mis à peu près dix heures à rentrer au port car j’avais le vent dans le nez… »

Mais la chance sourit à Amélie Grassi quand elle arrive au ponton. « Hendrik Witzmann n’avait pas pris le départ de la deuxième étape car il s’était cassé un ménisque. Il avait déjà démonté sa pièce à l’avant pour me la donner quand je suis arrivée. C’était génial, je suis allée faire une sieste et mon équipe technique a tout réparé ! Je suis repartie directement après et j’ai coupé la ligne de départ seulement 14 heures après les autres. »

Amélie Grassi sait qu’elle doit alors faire une croix sur son objectif de compétition mais elle est trop heureuse de pouvoir tout de même faire la course. « Je me suis éclatée, je n’étais même pas stressée par le classement ! Et je ne sais pas comment j’ai fait mais je suis tout de même arrivée 9e à la seconde étape! »

La course au large, son métier à part entière

Aujourd’hui, Amélie fait de la course au large son métier à part entière. Elle a un projet de Class 40 avec un nouveau partenaire et un beau programme : une Transat Jacques Vabre, une route du Rhum et pourquoi pas un Vendée globe ? « Cela fait partie des trucs qui me fascinent pas mal effectivement », sourit-elle.

Avec ce parcours et ce CV plus que musclé, Amélie Grassi ne semble pas avoir rencontré d’obstacles en tant que femme dans ce milieu d’hommes. « Les femmes sont assez bien reçues dans le milieu de la voile, c’est un milieu bienveillant, assure-t-elle. C’est loin d’être un handicap d’être une femme car c’est un sport mécanique et on peut faire de la performance, beaucoup d’hommes en ont conscience. »

« Le milieu est prêt à accueillir les femmes »

Pour Amélie, cela a été très facile de s’intégrer, même si elle se dit « agacée » que si peu de femmes pratiquent. « Le milieu est prêt à recevoir les femmes, c’est plus une histoire de société. Quand j’étais petite, mes parents voulaient m’inscrire à l’école de voile, je ne voulais pas parce qu’il n’y avait que des mecs et qu’il faisait froid ! J’ai fait de la danse classique, ce n’était pas du tout moi ! »

La jeune navigatrice déplore également que le monde professionnel de la voile soit si peu féminisé. Mais alors comment faire pour changer les choses ? Pour Amélie Grassi, rien que le fait d’en parler « est déjà assez efficace ». « Les séries mixtes aux Jeux olympiques, ainsi que les quotas sur les courses, même si certains sont contre, apportent aussi leurs résultats. J’entends les critiques mais les résultats sont là. Un jour, on ne les sentira même plus passer, ce sera un truc juste évident. Mais on n’en est pas là. »

« Un mouvement qui va dans le bon sens mais qui est trop lent »

Amélie Grassi ne veut pas « fouetter le milieu » mais « quoiqu’on en dise, les femmes n’ont pas encore trouvé la même place que les hommes dans le monde de la course au large ». « Les quotas, cela peut être vexant pour les femmes qui n’auraient peut-être pas été contactées sans eux mais cela a le mérite de créer des opportunités. Cela permet d’accélérer un mouvement qui va dans le bon sens, mais qui avance trop lentement. »

Pour la jeune femme, il apparaît aussi essentiel de susciter l’envie auprès des petites filles. « Je veux leur montrer que l’on peut s’épanouir dans cette vie-là, que c’est possible », souffle Amélie Grassi avec un vent d’enthousiasme.


Le conseil à Hélène Clouet

« Bien profiter quand elle est sur l’eau, se rappeler souvent quelle chance on a d’être là, de faire ce que l’on fait et de voir ce que l’on voit. Lors de la Mini-transat, je n’ai jamais aussi bien navigué que quand j’ai lâché l’objectif sportif ! »


Manon LOUBET, pour l’association FAMABOR

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